J’ai assisté ces dernières semaines à plusieurs échanges, en ligne ou in vivo, au sujet de la pauvreté des dotations sur certaines courses, et singulièrement sur des courses qui affichaient des prétentions relativement élevées dans la cadre de notre discipline.
T-shirt non floqué à la date et au lieu de l’évènement, absence de médaille finisher, ravito indigent…
Ces situations m’amènent à plusieurs réflexions : d’une part, ces remarques et critiques sont nécessaires pour montrer aux grandes franchises – ou à celles qui s’en donnent l’air – que les évènements organisés dans un cadre associatif ne sont pas des évènements mineurs (cf. le succès de la 14-18, son élection comme meilleure course de l’année 2015 et – de facto – le fait que les inscriptions sont bouclées dès le mois de mars pour une course en novembre) et que le public français dispose désormais d’une culture disciplinaire suffisante pour comparer, et sanctionner.
D’autre part, les organisateurs actuels de la discipline doivent être on ne peut plus intransigeants sur la qualité de l’encadrement des courses en amont de l’évènement : je pense là aux commentaires édifiants sur le laisser-faire en matière de pénalités sur une course récente organisée sur un terrain militaire en Ile-de-France, alors même qu’elle est qualificative pour les championnats d’Europe. Mais je pense également et par voie de conséquence, à la cohérence entre la réalité des épreuves et le coefficient qui leur est attribué en vue du classement des coureurs.
Clairement, ladite course devait-elle être qualificative pour sa première implantation en France ? Et si oui devait-elle compter dans le classement Elite ? Et encore si oui, devait-elle être affecté de ce coefficient ?
On imagine parfaitement qu’il doit être bien difficile de répondre à une franchise, déjà abondamment présente dans d’autres pays, qu’elle doit faire ses preuves en France. Mais quand on lit les remarques faites par les participants, relatives au rapport qualité /prix et à la qualité de l’encadrement Elite, on s’interroge.
Certes le sujet ne peut être traité de la même manière pour les courses qui proposent une vague Elite et pour celles-ci n‘en proposent pas et dont la problématique principale est la sécurité. Pour ces dernières, la nature est implacable et celles qui ne donnent pas satisfaction attraperons quelques gogos sur deux ou 3 éditions et ensuite disparaitront…
Pour les autres, le chantier est énorme. Il concerne la discipline en tant que pratique sportive – et plus seulement ludique – et son niveau d’excellence que sont les vagues et les coureurs Elite.
Partant du constat que des courses décevantes peuvent se trouver qualifiantes et/ou apporter des points de classement, quelles solutions peuvent être proposées ?
Partons d’un diagnostic de l’existant : Le circuit Spartan a été confronté au problème et l’a réglé mais est-il souhaitable – pour l’avenir de l’OCR en France – de laisser la gestion des difficultés reposer sur les Franchises ? Soyons lucides et pragmatiques, Spartan n’est pas intéressé à régler le problème pour les beaux yeux des Elites Français mais parce que son crédit en tant que circuit mondial engagé auprès de Reebok lui impose de mettre au clair les choses. C’est l’intérêt bien compris qui oriente cette régulation. L’intérêt bien compris de l’OCR n’est-il pas de chercher à mettre au clair les choses en son sein ? Première étape, la création d’un corps arbitral ne serait-elle pas une avancée ?
Deuxième élément – toujours dans le cadre d’une réflexion à conduire sur les conditions de course des Elites et l’attractivité de la discipline pour les coureurs actuels et, peut-être surtout, à venir : est-il cohérent de proposer un classement dans lequel une Spartan Sprint (+8km) relève d’un coef 1,5, une Spartan Super (12km+) = 1,5, une Spartan Beast (21km+) = 1,5 ? De la même manière la 14-18 sur 11km est affectée du même coefficient que la 14-18 Barjots en 6 heures, soit 0,8. Enfin, je constate que la Tough Viking est gratifiée d’un coefficient 1,5 – pas mal pour une course qui a apparemment plus que du mal à gérer les tricheurs.
On a donc un problème de cohérence global à régler pour attirer des athlètes et devenir une vraie discipline sportive, reconnue, académique etc…et qui du coup se verra ouvrir les portes de la reconnaissance et des compétitions prestigieuses.
Notre discipline ne sera attractive qu’en établissant des conditions d’attractivité forte pour le public d’une part, et pour les Elites en particulier. Au public la sécurité, aux Elites la justesse d’une règle commune cohérente et impartiale.
J’ajoute un élément plus personnel mais qui est nécessairement introduit par la comparaison avec les sports « établis » d’une part, mais aussi avec les pays dans lesquels l’OCR est présent depuis plus longtemps que chez nous, et à un niveau de compétitivité bien supérieur. J’entends par là qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, et que des athlètes entrainés et performants se déplacent – et restent – plus facilement pour des récompenses que pour des bibelots…
Et si le manque de cohérence de la conduite de notre discipline n’était pas seulement lié à sa jeunesse (ce qui est une vérité) mais également au fait que l’absence d’enjeux ne peut conduire à un encadrement de qualité ?
Evidemment si je pose la question c’est que je crois en cette réponse, et il est possible de répondre que si l’on introduit la rétribution dans le système on va le pervertir. A mon avis, cette réponse ne tient pas compte de ce qui se passe hors de nos frontières, et tend à considérer a priori que tous les coureurs du monde – sauf les français – sont des barbares sans foi ni loi et assoiffés d’argent. En la matière comme en bien d’autre un peu de benchmarking ne ferait pas de mal. Interrogeons-nous raisonnablement : quels sont les errements – et comment les contenir – d’un système qui met en avant les récompenses pour augmenter le niveau, et quels sont ceux d’un système qui s’occupe …de pas grand-chose ? Et si l’absence d’encadrement ne conduisait pas en réalité à des pratiques cachées – et injuste pour les plus méritants ?
In fine la question à poser est la suivante : on augmente le niveau ou on le maintient au stade de l’amateurisme parfois talentueux ?