Bienvenue dans l’univers fabuleux de M. Mouse !
La Tough Guy, la première course à obstacle, la référence mondiale, la plus dure, les superlatifs et autres légendes sur cette épreuve ne manquent pas.
Ça faisait 4 ans que je voulais faire cette course, et mon copain Séb a été assez fou pour venir avec moi. Inscriptions au mois d’aout et après c’est trouille et préparation pour l’inconnu.
Depuis octobre, en plus de mes entraînements classiques, c’est résistance au froid, des sorties de course avec un minimum d’équipement : je n’ai mis des manches qu’en janvier alors que la température passait sous les 0°c, obligatoirement suivi d’une petite baignade dans l’eau à la température du moment 7°, 4°…
La grosse question, comment s’habiller pour une course pareille ?
La seule certitude, c’est qu’il fallait représenter la France, donc, en bleu blanc rouge.
Séb a misé sur une combinaison intégrale de surf fine sous son uniforme et moi sur un débardeur en Néoprène. Nous n’avons pas oublié nos bonnets et nos gants de plongée.
Départ vers l’Angleterre, on arrive le 27 janvier, avec pour première découverte, la conduite à gauche.
Samedi 28 janvier, nous prenons la route vers la ferme de M Mouse. Nous nous garrons dans un champ très britannique, sur un superbe gazon vert d’une souplesse qui laisse s’enfoncer d’abord la voiture puis nos pieds. Le beau temps nous permet d’apprécier un paysage et un environnement où rien n’est normal : des drapeaux de tous les pays, un bric à brac avec des restes d’engins agricoles, des voitures dans de curieux états, un engin militaire, des corps de fermes rafistolés en tôle, avec des bâches, de la terre battue, de la boue, des tentes pour les coureurs avec de la paille au sol et surtout la vision incroyable des obstacles monumentaux. Cela donne l’impression d’être dans Games of Throne.
Direction Registration, où nous signons notre death warrant, avant de récupérer nos dossards. À la sortie, rencontre avec Scott Keneally le journaliste qui a fait le documentaire « rise of the sufferfests », très abordable. Il en est à sa 5ème participation et a fait un petit tour de chauffe quelques jours avant pour le télématin de la BBC.
Et là the godfather himself arrive, M. Mouse entouré de joyeux concurrents. Il est très simple et accessible se livrant à toutes les demandes de discussion ou de photos.
Le site, la course et l’ambiance sur place sont à l’image de M Mouse d’une grande simplicité et pleine de folie. Ici tout est surréaliste !
Un petit passage sur le killing field, nous nous rendons compte de la démesure de ce qui nous attend pour le lendemain.
Retour à l’hôtel où nous retrouvons d’autres coureurs de toutes nationalités et de tous ages. Bizarrement chaque échange avec un concurrent se termine par un good luck !?
La nuit est agitée comme avant chaque course. Dimanche matin, au petit déjeuner, les candidats sont là, tendus, avec des sourires crispés. Sur le parking de l’hotel, tout est givré, y compris le sol !
Nous nous rendons sur site, au plus tôt car il est annoncé plus de 5000 participants.
Direction la ferme à pied pour aller nous changer. Pas besoin de prendre la température, nous sommes immergés au milieu de milliers de coureurs et de familles venues pour l’événement.
Nous croisons Joel de ‘’always with a smile’’, l’homme déguisé qui chante tous les ans pendant la course. Cette année, il est habillé des pieds à la tête en papier à bulles tenu par du scotch ‘’fragile’’ avec une paire de béquilles. Il est interviewé par Reuters. Le reporter a trouvé bon de nous faire parler, en tant que petits frenchis.
L’heure tourne, la masse de coureurs s’écarte pour laisser passer une carriole à 2 chevaux avec à son bord M Mouse en tenue d’apparat, tractant le starter : un canon de 75 de la guerre de 14-18 !
En chemin vers la ligne de départ, nous croisons Ed un des membres de la Gost squad, une équipe de fous torses nus, peints en blanc, noir et rouge qui encourage les coureurs pendant toute la course.
La ligne de départ est à plusieurs niveaux. Un par catégorie permettant de partie au coup de canon ou jusqu’à 5 minutes après.
Nous devrions partir 1 minute après le coup de canon. Mais le joyeux bordel qui règne nous permet de nous avancer jusqu’en haut de la bute. Nous nous rendons compte alors de la foule de coureurs qui occupe tout l’espace de la ferme.
Le temps passe et le départ n’est toujours pas donné. Un mouvement de foule nous fait descendre la bute avant le starter. Nous voyons alors une marée humaine descendre la bute à son tour, on a l’impression d’être à un concert !
LE coup de canon transperce la campagne. La meute est lancée ! ! ! 5500 fous partent dans les fumigènes et les hurlements. La course commence par près de 10km type cross avec une longue portion plate, quelque bottes de foin, puis une succession de zigzags sur une colline. Cela permet d’étirer le peloton, mais aussi nous nous perdons avec mon pote.
Au fil de la course, nous avons rencontré 6 autres Français. Les kilomètres passent sans obstacles compliqués, plus j’avance et plus je me dis que la fin de course va être rude !!
Les 10 premiers km sont passés en 1h10 puis j’entre sur le killing field, l’enfer commence.
Quand sur une course classique, on zigzague 3 fois pour traverser un ruisseau, là c’est au moins 10 fois, quand le ruisseau fait 1m sur 2m, là c’est 2m de haut sur 5m de large, quand on passe dans 2 fosses de boues, là on enchaîne 10 passages, quand on passe sous un filet, là on en enchaîne près de 10. Il doit faire 5°, l’eau est très froide, la boue est profonde, épaisse, collante, Seb me dit qu’elle doit être brevetée.
Les enchaînements sont terribles, après une session d’eau, on monte sur un obstacle de plus de 10m de haut, on poursuit par de la boue, puis de l’eau … Il n’y a rien d’extrêmement technique ni physique, mais chacun y trouvera une inquiétude, une peur, la hauteur, l’électricité, l’eau, le feu, le confinement, sans cesse. En ajoutant cette boue qui ralentit tous les mouvements.
Lorsqu’on trouve une échelle à monter, on vient de sortir de la boue, puis on y retourne pour en ressortir. Les ponts de singes se trouvent soit à 10m de haut, soit au dessus de l’eau. Les passages au dessus de l’eau glacée se font sur des planches vermoulues entrecoupés par des passages suspendus simples mais la pression qu’on se met pour ne pas tomber dans l’eau complique la progression.
Au milieu de tout cela, l’obstacle le plus redouté, le water tunnel : un enchaînement de 4 passages sous l’eau. Un marshall vous accueille : you dive 4 times, take your time, the last one is double! Chaque passage sous l’eau coupe le souffle, il faut respirer fort et prendre son temps. A coté de moi, un coureur sort au milieu du water tunnel, il est frigorifié.
On sort de là avec la tête qui tourne, mais il faut continuer, l’arrivée est presque proche ! Il reste le saut de 3 m dans l’eau, des passages sur les structures gigantesques en bois, tenues avec des cordes et des filets, des passages dans de grands tubes en béton qui mènent dans un dédale souterrain avec ramping dans le noir avec des bâches, des bâtons qui pendent et des fils électriques qui ne semblaient pas fonctionner heureusement.
On termine la course par un enchaînement dans un étang, suivi par un ramping en montée, avec une option sous des fils électriques. Je passe la ligne d’arrivée en 2h30 avec mon drapeau. Seb termine en 3h55.
Jon Albon remporte la course en 1h40.
Cette course incroyable est accessible à tous. Les difficultés techniques ne sont pas très importantes, mais on doit en permanence lutter contre le froid et la peur. Il est toujours possible d’éviter un obstacle. L’objectif est de se faire plaisir et de partager la folie collective. Quel que soit son temps, qu’on ait passé tous les obstacles ou pas, chacun doit aller puiser dans ses ressources pour passer la ligne et devenir un Tough Guy.
La recette : de la simplicité, de l’eau, de la boue et de la folie britannique.
Thank you M Mouse.
Récit très impressionnant , indeed … !
Récit très impressionnant , indeed …