L’Île de Skye, au nord-ouest de l’Écosse, accueillait le sixième Agogé de Spartan Race, le tout premier en Europe, du 18 au 20 août 2018. 108 femmes et hommes étaient inscrits pour cet événement ancré dans la solidarité, la résistance et le dépassement de soi. Nous publions aujourd’hui les récits croisés de Julien, Xavier et Yoann lancé dans l’aventure de leur vie.

Xavier : « On devait démarrer le vendredi à 4h du matin mais Spartan nous a finalement convoqué à en avance si bien que jeudi à 17H nous étions que seulement 81 sur 108 inscrit à nous présenter au cinéma. »

Yoann : « Nous sommes un peu sous pression car, la veille, nous avons appris qu’il y aurait 3 épreuves éliminatoires. Nous savions déjà depuis 3 semaines que les nœuds et une base en navigation avec boussole serait peut-être testés mais nous ignorions tout de la troisième épreuve. »

Julien : « La préparation en amont est énorme. Pour ma part, j’ai notamment travaillé, chaque semaine, la course à pied avec des charges de dix à quinze kilogrammes et j’ai perdu huit kilos. Pour ce qui est des tests, nous avions trois mois pour travailler la boussole et trois semaines pour apprendre les nœuds. »

Le briefing

Xavier : « Pour démarrer l’aventure, les krypteria nous ont marqués notre numéro sur les joues au marqueur ( j’étais le numéro 36).. »

Yoann : « Le briefing, tout en anglais, commence enfin. On nous parle d’une course dure, qu’on ne veut que les meilleurs des meilleurs. Que cela ne dérangera personne s’il n y a aucun finisher. Puis vient le détail des trois épreuves avec notamment le test waterproof de notre équipement. C’est compréhensible vu la météo écossaise, mais nous sommes tous prêts. Pour finir, on nous donne une liste de 10 tartans écossais de différentes couleurs et représentant un clan qui nous sera utile de retenir pour la suite de l aventure. Nous sortons du cinéma avec trente minutes pour préparer nos sacs au test waterproof, réviser nos noeuds et l’utilisation de la boussole.. »

L’orientation

Yoann : « Le staff passe parmi nous pour tester nos connaissances en navigation. Nous voyons un de nos camarades français être emmené ailleurs mais nous ne savons pas encore pour quelle raison. C’est mon tour, des coordonnées à situer sur la carte longitude-latitude puis, une fois trouvé, il faut indiquer l’azimut d’un autre point. Je valide le premier test ainsi que mon collègue Xavier. Julien et Thomas passeront à travers les mailles du filet et ne seront pas contrôlés mais ils étaient, quoi qu’il arrive, prêts à répondre facilement.. »

Xavier : « Malheureusement, Erwan Swat n’avait pas la bonne boussole et s’est fait disqualifier.. »

Julien : « Les coachs étaient impitoyables mais justes : il faut savoir qu’au-delà des 250 euros nécessaires pour l’inscription, il faut compter entre 400 et 600 euros de matériel obligatoire pour cette épreuve. »

L’étanchéité

Yoann : « On nous dirige vers la mer pour le test waterproof. Je le pensais facile. Il aurait pu consister à jeter son sac dans l’eau quelques minutes pour voir la flottabilité et l’intégrité des équipements mais malheureusement non, nous avons dû immerger notre sac durant dix longues minutes, à genoux dessus.

Nous remontons vers notre base pour ouvrir nos sacs et vérifier que les choses principales (qu’ils n’avaient pas mentionné) devait être sèches : le sac de couchage, un set d’habits de rechange et la trousse médicale. J’en ai eu 2 sur 3. Peut-être est-ce la faute aux exercices répétés ou à une erreur de ma part mais mon sac de couchage est trempé. Ils ne vérifient pas manuellement mais j’ai été honnête. Peut-être trop et je l’ai montré. On me demande alors mon numéro, me demande de me mettre sur le côté avec d autres participants et nous attendons… »

Les nœuds

Yoann : « Je vois mes collègues préparer leur corde pour les noeuds. Et là, je commence à douter. Allons-nous faire des exercices pour être puni ? l’aventure se termine-t-elle ? Je ne peux pas y croire. Après dix minutes d’attente, longues très longues, on vient nous annoncer que nous sommes disqualifiés. Terminée l’aventure de l’Agoge. Je ne dis pas un mot, mais dans ma tête, je suis consterné et sincèrement agacé, choqué… Être éliminé sur un événement de type survie, physique et mental car son sac de couchage est mouillé. Je vais m’asseoir totalement dépité en attendant les trois derniers français en lice. »

Xavier : « Je m’étais tellement entraîné que ceux-ci sont passés facilement : je pense les connaître à vie !

Une fois les tests réalisés nous nous sommes retrouvé à 56 Spartans prêt à tout. Les Krypteria nous ont donné notre points de rendez-vous sur une jetée pour vraiment démarrer l’aventure le lendemain ( c’était le point que nous avions eu lors du premier test). »

Les chemins se séparent

Xavier : « Dans la Gear List, on nous avait demandé d’avoir un billet de 20 livres pour trouver une solution pour se rendre au point de départ par notre propre moyen. Personnellement, nous nous sommes fait emmener au point de départ par Yoann Gagnon et Erwan Swat, mais nous avons failli perdre la voiture de location sur la jetée, qui a failli tomber à l’eau ! »

Yoann : « Pour les éliminés, nous avons un autre rendez-vous dans le centre à 4h du matin également, donné par Joe De Sena. À ce moment, nous pensons que les sélections étaient une ruse pour séparer les groupes et que nous allions commencer chacun de notre côté un Agogé.

Quelques heures plus tard, une personne habillé comme « nous » prend la parole, nous disant que Joe l’a mandaté pour nous balader pendant deux jours à travers l’île mais notre Anglais est plus ou moins limite et on ne comprends pas où nous allons, comment et pourquoi… Dans le doute nous suivons, après 10 minutes, deux espagnols demandent si nous sommes éliminés ou bien toujours en course pour l’Agoge. Le couperet tombe : c’est terminé. Ce que nous faisons là, c’est juste pour le plaisir. Plusieurs candidats quittent le groupe. Erwan et moi nous posons la question. Nous suivons encore le groupe un petit moment dans un trail de nuit avant de voir un autre candidat prendre la direction du groupe : la personne mandaté par Joe ayant disparu. Devant cette débâcle, nous préférons rentrer à notre voiture pour broyer du noir et nous patienterons 60 h : les hôtels et autres maisons d’hôtes étant totalement pleins ou bien à des prix exorbitants.

Je suis amer. Après autant d’attente et de dépenses, se faire recaler pour un sac mouillé, sans avoir commencé la course, le goût qui reste en travers dans la bouche est tel que seuls ceux qui l’ont vécu peuvent comprendre. Je me suis senti un peu volé et honteux. Revenir en france en expliquant que tout ce parcours et tous ces sacrifices se sont arrêts pour un sac mouillé… Mais bon, la vie est faite ainsi. Il faut savoir l’accepter. En parler mais l’accepter et je tenterai ma chance sur le prochain Agoge peut-être en Russie ou à Dubai selon les rumeurs ! »

L’Agogé commence

Xavier : « À 3H30, nous nous sommes levés pour le départ à 4H. Nous n’étions que 38 au départ. L’aventure commence vraiment par un check du matériel sous un vent et une plus d’enfer. A 5h, nous sommes tous détrempés est là, on rentre enfin dans le sujet : on commence à faire des burpees, des pompes, des sit-ups, des overhead-squat avec le sac à dos de 20 kg et de la course à pieds.

À 8h, on arrête et on nous annonce que l’on part faire un Trail de 9H sur la montagne de Cullins et, que si on démarre, on n’avait pas d’autre choix que de finir. Malheureusement à se moment Ju Swat ayant fait un mauvais choix de sac à dos décide de sonner la cloche car il sait qu’il ne pourra finir l’aventure. »

Julien : « Mes épaules me font souffrir le martyr. J’apprendrai plus tard que j’ai une double contracture aux épaules due à un mauvais choix de sacs à dos. Mais je ne suis pas déçu : j’ai rempli mes objectifs qui étaient d’y être, de passer les épreuves éliminatoires et d’aller le plus loin possible. Je reviendrai encore mieux préparé et avec du vrai matos. C’est une expérience unique à vivre et pas faite pour les novices. »

Xavier : « On embarque donc sur des bateaux de 600CV, qui vont à toute allure, on ne sait pas si l’organisation voulait essayer de plus nous mouiller ou nous faire vomir mais on a tourné dans tous les sens pendant une heure. Avec Thomas Blanc, nous étions devant heureux comme des gamins : pour nous c’était le grand kiff !

Arrivé à la montagne de Cullins, nous étions détrempés et nous nous faisions dévorer par les moustiques. Nous avons tous relié nos cordes de 5 mètres pour faire une ligne de vie et nous avons attaqué cette randonnée de 9h, nous en avons pris plein les yeux. Malgré la difficulté, j’arrivais encore à profiter des paysages.

Une fois cette randonnée terminée, nous avons à nouveau fait des exercices classiques (burpees, squat, overhead-squat…) pendant que des participants allaient sonner la cloche. Nous étions plus que 31.

Les krypterias nous réunissent en continuant à faire des petits exercices puis nous emmène par équipe de 5 faire des burpees dans le ruisseau et enfin nous font chercher un tonneau de 250 litres qui va devenir notre meilleur ami pour le reste de l’aventure. Une fois celui-ci trouvé, nous en profitons pour faire connaissance avec lui (nombreux aller-retours dans un petite montée et passage au-dessus d’une rivière). Nous sommes 28.

Une fois ces petits exercices passés, nous avons fait du feu avec l’aide du firesteel et avons monté notre bivouac, pour faire un gros dodo qui n’a malheureusement duré qu’une heure. Au réveil, j’étais frigorifié et détrempé. J’ai fortement hésité à abandonné.

Pour démarrer la journée, les krypterias nous ont offert une gorgée de thé, puis nous sommes partis balader notre meilleur ami avant de partir vers un autre point de rendez-vous où nous nous sommes perdus. Arrivés à ce point de rendez-vous, nous avons du retourner 2km en arrière pour trouver un point GPS mais, malheureusement, nous sommes arrivés hors délais et nous avons du faire des burpees dans un lac.

Une fois ceux-ci terminés, nous avons escaladé une montagne au pas de course pour avoir le droit à une pause de quarante minutes où chaque participant doivent rajouter 1 litre d’eau dans le tonneau. À l’origine, nous devions repartir pour une marche tranquille mais les règles du jeux changent. Ils nous proposent de retirer l’eau du tonneau mais nous devons courir pour le ramener au point de rendez-vous, nous votons démocratiquement et nous acceptons le défi. Je pense que ça a été la montée la plus dure de ma vie.

Avec ce petit jeu, nous avons eu une perte dans la montée et une à l’arrivée nous ne sommes plus que 19, nous sommes tous à bout de souffle. On refait notre bivouac et c’est reparti pour un petit dodo, je n’ai même pas le courage de manger donc directement dodo à minuit.

On nous réveille à 2 heures du matin et on nous sépare, pour faire du ramping avec le sac à dos. Puis on nous demande de remplir le tonneau par l’intermédiaire de nos sacs de 190 litres, il fait noir, on ne voit rien. Ça glisse de partout. On galère mais on arrive à le remplir. Une fois celui-ci rempli, un krypteria vient nous voir en nous indique que l’autre groupe n’avait pas réussi à récupérer quelques chose qui devait nous aider donc on doit partir le faire, mais avant on doit vider le tonneau pour que l’autre groupe le remplisse.

Nous partons donc au pas de course pour récupérer l’objet, le manque de sommeil et la fatigue se font vraiment sentir, je suis au bout de ma vie et cela fait quelques temps que j’ai déconnecté mon cerveau donc je continue mais je me demande vraiment combien de temps je vais pouvoir tenir comme ça. L’ensemble de l’équipe se motive, les krypteria et Thomas Blanc nous motivent plus que jamais, après une course folle on trouve le petit sac jaune que l’on doit ramener à un rythme effréné avec nous. Je me demande vraiment ce que je fais là, je me dis que c’est du grand n’importe quoi. Que ce n’est pas de mon âge. Que je referai jamais ça. Plein de choses me passent par la tête mais cette rage m’aide à avancer.

Enfin, nous apercevons l’autre groupe en train de rouler le tonneau et de porter le brancard avec différents éléments. On se dépêche de les rejoindre pour les aider dans cette dure tâche. Au bout d’un moment, on voit le panneau distillerie, on comprend que c’est la fin de l’aventure.

On y est, ça y est on a réussi la tâche, j’aperçois les copains, j’ai les larmes qui montent, je n’arrive pas à contenir l’émotion. C’est fait. J’ai réussi. Nous sommes 19 finishers de cette AGOGE 006. Avec Thomas Blanc, nous sommes les 2 premiers finishers français d’une AGOGE.

J’étais complètement au bout du rouleau, trempé pendant toute la course des pieds à la tête et plein d’ampoules aux pieds. Cela a été une belle expérience, très dure à cause des conditions climatiques et qui m’a appris beaucoup sur moi, je ne pensais jamais être finisher. J’avais comme ambition d’aller le plus loin possible sans objectif particulier, je m’étais juste inscrit pour partager cette expérience avec Erwan et Julien et je reviens avec plein de souvenirs dans la tête et de belles rencontres. Force et Honneur n’a jamais eu autant de signification. »